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Le repas du Seigneur - partie 1


Bonjour chers amis chrétiens,

Il y a longtemps que je n’avais pas écrit un article. J’avais depuis un bon bout de temps l’intention d’écrire sur le sujet du repas du Seigneur et je me suis finalement mis à l’œuvre. Cet article sera le premier d’une série d’articles sur ce sujet.

En tout premier lieu, avant d’aborder des questions telles que « devrions-nous prendre du pain sans levain ou du vin au lieu du jus de raisin? », je crois que je dois statuer sur la base même de ce qu’est le repas du Seigneur. Est-ce une simple ordonnance ou un sacrement? Est-ce que le repas du Seigneur est seulement une commémoration symbolique ou y a-t-il quelque chose de plus? C’est ce que je vais essayer de répondre avec ce premier texte.

Ordonnance ou sacrement?

Tout d’abord, nous devons définir qu’est-ce qu’une ordonnance et qu’est-ce qu’un sacrement. L’Église Catholique Romaine ainsi que certaines dénominations protestantes utilisent le terme sacrement pour désigner un rituel ou un signe à travers lequel Dieu confère sa grâce à la personne qui reçoit le sacrement. Dans les Églises orthodoxes, le mot « mystère » est utilisé. Par conséquent, la doctrine des catholiques romains diffère de ceux des réformés et de plusieurs autres dénominations protestantes concernant les sacrements. Ce n’est donc pas parce qu’ils utilisent le même terme, qu’ils ont la même compréhension du sacrement. Pour les catholiques romains, le salut s’obtient par les œuvres, par l’obtention de leurs sept sacrements (le baptême, la confirmation, l’eucharistie, la réconciliation, l’onction des malades, le mariage et l’ordination qui est réservée aux prêtres). C’est ce que l’on appel le sacramentalisme où les sacrements fonctionnent ex opere operato, c'est-à-dire qu’ils donnent la grâce par eux-mêmes et sont donc indispensables au salut. Ceci va à l’encontre de la théologie réformée qui affirme que le salut s’obtient par la foi seule, par la grâce de Dieu seule et par Jésus-Christ seul. C’est pourquoi la définition du mot sacrement diffère fondamentalement d’avec celle qu’en fait l’Église Catholique Romaine. Bien que les protestants et les catholiques romains utilisent le même mot, la doctrine sur les sacrements est bien différente. Je vais traiter ici davantage de la définition du mot sacrement d’après l’usage des chrétiens de confessions réformées.

Le mot sacrement vient du latin « sacramentum » qui dans la Rome antique était un terme de droit désignant une somme déposée comme garantie de sa bonne foi. C’est d’ailleurs cet usage du mot sacramentum qui a donné le mot serment. Dans la Vulgate latine, le mot est utilisé pour traduire le mot « mystère » (ou mysterion dans le grec) dans plusieurs passages bien que ce mot n’est jamais employé pour référer au baptême ou à la Sainte Cène. La définition du sacrement selon les protestants serait un moyen de grâce donné par Dieu, mais qui serait seulement effectif par la foi. Selon le petit catéchisme de Westminster, les sacrements deviennent des moyens efficaces de salut, non par quelque vertu qui serait en eux ou dans celui qui les administre, mais uniquement par la bénédiction de Christ, et par l’œuvre du Saint-Esprit en ceux qui les reçoivent par la foi. Toujours selon ce même catéchisme, un sacrement est une sainte ordonnance instituée par Christ, dans laquelle, sous des signes sensibles, Christ et les bienfaits de la nouvelle alliance sont représentés, scellés et appliqués aux croyants.

Une autre définition très simple est celle de la Défense de la confession d’Augsbourg (article 13, point VII) : « Les sacrements sont des rites qui ont le commandement de Dieu et auxquels la promesse de grâce a été ajoutée. » Ou encore comme St-Augustin disait, le sacrement est une forme visible d’une grâce invisible.

Pour mieux comprendre ce qu’est un sacrement, nous examinerons les sacrements en lien avec la Parole puisqu’ils ont plusieurs points importants en commun : 1- Les deux ont été institués par Dieu comme moyen de grâce, 2- les deux pointent vers la personne et l’œuvre de Jésus-Christ, 3- les deux peuvent seulement bénéficier à l’homme qui les reçoit par la foi et 4- les deux sont appliqués dans le cœur de l’homme par l’Esprit-Saint.

Dans la confession de foi de Westminster (chapitre 27, point 3), il est clair que l’efficacité du sacrement dépend entièrement de l’Esprit-Saint : « La grâce présentée dans ou par les sacrements droitement administrés n'est pas conférée par quelque pouvoir qu'ils auraient en eux-mêmes; leur efficacité dépend non de la piété ou de l'intention de celui qui l'administre (Rm 2.28,29; 1 P 3.21), mais de l'action de l'Esprit (Mt 3.11; 1 Co 12.13) et de la Parole d'institution qui comporte à la fois le commandement d'en user et la promesse de bienfaits pour ceux qui les reçoivent dignement (Mt 26.27,28; 28.19,20). »

Permettez-moi de vous citer Francis Turretin qui exprime tellement bien la beauté du sacrement : « En conséquent, il est évident à quel point la philanthropie (philanthropia / bienveillance) de Dieu est grande, qui, s’abaissant lui-même vers nous qui rampons sur le sol, souhaite non seulement saisir nos esprits, mais aussi nos sens externes avec la hâte et l’admiration de sa grâce, dans la mesure où il la rend sujet à nos sens corporels, à l’écoute de sa Parole, au touché et à la vue dans les sacrements. »

J’aimerais cependant ici prendre le temps de spécifier que la Parole et les sacrements sont aussi différents sur plusieurs points importants. 1- La prédication de la Parole est essentielle et absolument nécessaire au salut tandis que les sacrements ne le sont pas, 2- l’Esprit-Saint utilise la Parole de Dieu pour renforcir et produire la foi du croyant tandis que les sacrements ne font que renforcir la foi du croyant et ne peuvent pas la produire, 3- c’est la Parole qui est le moyen de grâce primaire employé par Dieu tandis que les sacrements sont eux-mêmes définis par la Parole et 4- la Parole doit être prêchée à tous les hommes pour les convier à se repentir et à croire en Christ tandis que les sacrements doivent être administrés seulement aux membres de l’église visible, c'est-à-dire ceux qui professent de croire en Christ. Sur ce point, la majorité de mes frères presbytériens seraient d’accord en ce qui concerne le repas du Seigneur, mais divergeraient quant au sacrement du baptême alors qu’ils administrent les eaux du baptême à des bébés qui n’ont jamais professé Jésus-Christ. Mais ceci est un autre sujet. Concernant le repas du Seigneur, ce que j’ai écrit plus haut est en accord avec la théologie réformée.

Rendu à ce point, avant d’examiner quelques passages des Écritures et de vous démontrer quelle est ma position sur le sujet, laissez-moi vous présenter la définition d’une ordonnance. Que le repas du Seigneur ne soit qu’une ordonnance ou un symbole n’ayant qu’une simple commémoration symbolique est d’ailleurs la position la plus commune chez les baptistes et par extension chez les évangéliques modernes (pentecôtistes, etc). Par contre, je tiens à préciser que plusieurs réformés baptistes ont la même compréhension que les presbytériens quant à la définition du repas du Seigneur et du baptême en tant que sacrement, bien qu’ils diffèrent sur certains autres points concernant le baptême tel que le baptême des bébés (chose que je ne discuterai pas ici). De plus, les réformés-baptistes et les presbytériens qui adhèrent au concept du sacrement ne rejettent pas le mot ordonnance, mais ce sont plutôt ceux qui croient que la Sainte Cène et le baptême sont des ordonnances qui rejettent le mot sacrement. Voilà quelques nuances qui méritaient d’être affirmées avant de voir la définition d’une ordonnance.

Une ordonnance est en fait un rituel ou un symbole ordonné par Christ pour remémorer l’œuvre de Jésus-Christ à la personne qui la met en pratique. L’ordonnance ne confère aucune grâce directement donnée par Dieu au croyant, mais elle est plutôt une démonstration publique de la foi du croyant qui se soumet au rite par obéissance au commandement du Christ. Il s’agit donc d’une œuvre du croyant où tout repose sur sa volonté, sa conscience, sa sincérité, son obéissance ou sa décision. Bien que le rituel pointe vers l’œuvre de Dieu dans la vie de la personne, Dieu ne joue aucun rôle dans le baptême ou l’eucharistie. Il s’agit plutôt du témoignage de la personne. L’ordonnance est donc un acte humain entièrement performé par des humains où Dieu ne joue aucun rôle direct.

Lorsque le terme ordonnance est utilisé par la majorité des chrétiens baptistes et évangéliques aujourd’hui, ils adhèrent au mémorialisme. Selon cette position, l’ordonnance n’a aucun pouvoir, mais n’est qu’un mémorial et une leçon qui enseigne quelque chose à propos de Dieu.

En résumé, les sacrements sont à propos de ce que Dieu fait tandis que les ordonnances concernent ce que l’homme fait et ce que Dieu a fait dans le passé. Certains oseraient dire qu’une ordonnance est centrée sur l’homme et que Dieu est le spectateur pendant que l’homme commémore l’œuvre de Dieu. Le sacrement, selon la position réformée, est d’abord centré sur Dieu qui donne sa grâce d’après la promesse effective rattachée à l’acte. En plus de signifier quelque chose, le sacrement offre quelque chose et l’effet dérivé de l’acte est l’œuvre de Dieu seul. Il y a donc une union sacramentelle ou plutôt une relation spirituelle entre le signe et ce que le signe signifie.

Pourquoi je crois que le repas du Seigneur est un sacrement

D’après les définitions que nous avons vues plus haut, je crois qu’il y a un problème à voir le baptême ou la Sainte Cène comme une simple ordonnance. Considérez ce que l’apôtre Paul a écrit aux Galates :

Galates 3.1-5 « O Galates dépourvus de sens! qui vous a fascinés pour que vous n'obéissiez plus à la vérité? vous, aux yeux de qui Jésus-Christ a été vivement dépeint, et comme crucifié en vous? Je veux savoir de vous cette seule chose: Avez-vous reçu l'Esprit par les oeuvres de la loi, ou par la prédication de la foi? Avez-vous tellement perdu le sens, qu'après avoir commencé par l'Esprit, vous finissiez maintenant par la chair? Avez-vous tant souffert en vain? si toutefois ce n'est qu'en vain! Celui donc qui vous communique l'Esprit, et qui fait des miracles parmi vous, le fait-il par les oeuvres de la loi, ou par la prédication de la foi? »

La définition même d’une simple ordonnance pointe vers une forme de légalisme où l’homme est demandé d’accomplir une œuvre démontrant son obéissance et pour rendre témoignage. La Parole de Dieu écrite par Paul dans ce passage résonne dans ma tête : avez-vous tellement perdu le sens, qu'après avoir commencé par l'Esprit, vous finissiez maintenant par la chair? Si nous enlevons la grâce que Dieu confère et ne voyons pas le lien spirituel entre la promesse que Dieu a attaché par sa Parole au signe, il ne reste que chair. Si le repas du Seigneur n’est qu’une commémoration symbolique, il n’y a que de la nourriture et nos propres pensées. Jésus déclara dans Jean 6.63 que c’est l'esprit qui vivifie et que la chair ne sert de rien. Et Jésus poursuit en rajoutant : « Les paroles que je vous dis sont esprit et vie. » Matthew Henry disait que comme la chair de l’homme n’a aucune valeur sans l’âme, de même toutes formes de religion sont mortes et inutiles sans l’Esprit de Dieu.

Certains pourraient répliquer en disant qu’ils prennent le repas du Seigneur, car nous sommes commander de le prendre en mémoire de Jésus-Christ et que cela suffit de nous justifier de prendre part à un tel rituel. À cela j’aimerais répondre qu’il est entièrement vrai que l’Écriture nous commande de prendre la Sainte Cène en mémoire de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, mais aussi la parole de Dieu ne s’arrête pas là sur le sujet de la Sainte Cène.

Des promesses sont rattachées au sang et au corps de Jésus-Christ. Dieu a joint sa Parole au corps de Christ et au sang de Christ disant dans Jean 6.54 : « Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang, a la vie éternelle; et je le ressusciterai au dernier jour. »

Matthieu 26.26-28 « Et comme ils mangeaient, Jésus prit du pain, et ayant rendu grâces, il le rompit et le donna à ses disciples et dit: Prenez, mangez, ceci est mon corps. Ayant aussi pris la coupe et rendu grâces, il la leur donna, en disant: Buvez-en tous; Car ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance, qui est répandu pour plusieurs, pour la rémission des péchés. »

Le pain est donc le corps de Jésus qui est rompu pour nous (1 Corinthiens 11.24) et la coupe est le sang de Christ qui est le sang de la nouvelle alliance versé pour le pardon de nos péchés. Matthew Henry décrit bien dans son commentaire complet sur 1 Corinthiens 11 que nous avons ici les actions sacramentelles. Premièrement, les actions de notre Sauveur qui prend la nourriture, rend grâce, brise le pain et donne l’un et l’autre des éléments. Ensuite, les actions des communicants qui mangent le pain et boivent la coupe tous deux en mémoire de Jésus-Christ. Mais les actions externes ne sont pas ce qui est de plus important à faire avec cette sainte ordonnance; chacun a sa signification. Notre Sauveur, ayant entrepris de s’offrir lui-même à Dieu, et procurant, par sa mort, la rémission des péchés, avec tous les autres bénéfices de l’évangile, pour les vrais croyants, a livré, à l’institution, son corps et son sang, avec tous les bénéfices procurés par sa mort, à ses disciples, et continue de faire la même chose à chaque fois que l’ordonnance est administrée aux vrais croyants (Matthew Henry utilise ici le mot ordonnance qui est aussi employé par ceux qui adhèrent à la conception réformée des sacrements). C’est mis de l’avant comme une nourriture pour l’âme. Et comme la nourriture ne nourrit aucunement sans être mangé, les communicants doivent prendre et manger, ou recevoir Christ et se nourrir de lui, de sa grâce et ses bienfaits, et par la foi reçoivent de la nourriture pour leur âme.

De façon plus simple à comprendre, la Sainte Cène ne se limite pas à nourrir notre corps en mangeant du pain et en buvant le fruit de la vigne pour se remémorer l’œuvre de Christ, mais c’est Dieu qui nourrit notre âme en nous rappelant ses promesses reliées au sacrifice de Jésus-Christ. Et puisque nous ne sommes pas que des esprits flottants dans les airs et dépourvus de sens, Dieu nous a donné un signe visible pour nous aider à mieux saisir cette réalité spirituelle. En mangeant physiquement du pain et en buvant physiquement le fruit de la vigne, Dieu nous communique par des éléments tangibles la réelle présence spirituelle de Christ dans nos vies et les promesses qui y sont liées. Dans le catéchisme de Genève, Jean Calvin explique bien pourquoi Dieu nous a donné les sacrements à la question 314 : « Pour le soulagement de notre infirmité. Car si nous étions de nature spirituelle, comme les anges, nous pourrions contempler spirituellement et lui et ses grâces. Mais ainsi que nous sommes enveloppés de nos corps, nous avons métier qu'il use de figures envers nous pour nous représenter les choses spirituelles et célestes. Car autrement nous ne les pourrions comprendre. Et aussi il nous est expédient que tous nos sens soient exercés en ses saintes promesses pour nous confirmer en icelles. »

Plus spécifiquement, le catéchisme de Genève répond à la question 347 sur ce que nous avons par le signe du pain : « C'est que le corps du Seigneur Jésus, en tant qu'il a une fois été offert en sacrifice pour nous réconcilier à Dieu, nous est maintenant donné pour nous certifier que nous avons part en cette réconciliation. Et la question 348 donne la réponse quant au signe du vin : « Que le Seigneur Jésus nous donne son sang à boire en tant qu'il l'a une fois épandu pour le prix et satisfaction de nos offenses, afin que nous ne doutions point d'en recevoir le fruit. »

Bien que ce nous mangeons ne soit que du pain, Dieu nourrit spirituellement nos âmes par le corps de Christ. C’est ainsi que Jésus a déclaré que son corps est véritablement une nourriture et que son sang est véritablement un breuvage dans Jean 6.55. Il n’avait jamais été question de cannibalisme et du même coup nous ne nions aucunement les paroles de notre Seigneur en supposant que le pain que Jésus avait lui-même déclaré être son corps n’était qu’en fait un symbole. C’est pourquoi je rejette l’horrible doctrine de la transsubstantiation qui était qualifiée par les réformateurs de répugnante, mais je me dois également de rejeter la commémoration symbolique qui affirme que la Sainte Cène n’est qu’un mémorial. (Note : la transsubstantiation est la croyance Catholique Romaine où Jésus-Christ est réellement sacrifié à nouveau lors de l’eucharistie, que le pain est littéralement transformé en la chair de Jésus et le vin est littéralement transformé en sang de Jésus, et bien que le pain et le vin conservent tous deux leurs apparences, ils ne sont plus du pain et du vin, mais deviennent entièrement le corps et le sang de Christ. C’est pour cette raison que les protestants accusèrent les catholiques romains d’avoir un Dieu de pain et d’entretenir une idole.) Je me joins joyeusement à Calvin qui affirme la présence spirituelle réelle du Seigneur Jésus dans la Sainte Cène.

Calvin écrit : "Dieu a donné par la main de son Fils à son Église le second sacrement, à savoir le banquet spirituel où Jésus-Christ nous témoigne qu'il est le pain vivifiant (Jean 6 : 51) dont nos âmes sont nourries et repues pour l'immortalité bienheureuse" (Institution de la Religion Chrétienne, IV, 17, 1).

Bien que la Sainte Cène n’avait pas encore eu lieu au moment où Jésus eu ce discours dans Jean 6, il est indéniable d’y voir un lien avec ce que Jésus allait instituer plus tard lors de son dernier repas. Comment ses apôtres n’auraient pas pu se souvenir de ses paroles lorsque de nombreux disciples le quittèrent après avoir été scandalisés par l’idée de manger sa chair et de boire son sang. Il est clair que Jésus ne donne pas un enseignement sur la Sainte Cène dans Jean 6, mais nous devons certainement considérer partir de la Sainte Cène et retourner en arrière vers le discours dans Jean 6 pour en comprendre mieux la signification. J’aimerais spécifier que beaucoup de théologiens s’accordent ici pour dire que le récit dans Jean 6 n’est pas une référence primaire sur l’eucharistie et Jean Calvin est de ce nombre. Par contre, Calvin reconnait que « Le Discours du Pain de Vie » dans Jean 6.26-65 fait référence aux propriétés vivifiantes que le corps de Christ contient. Il ne se gêne donc pas pour utiliser ce passage puissamment pour dériver sa doctrine sur le repas du Seigneur aux côtés des récits dans les évangiles de Matthieu, Marc et Luc et des écrits de Paul sur l’institution de la Sainte Cène. D’ailleurs, les passages dans Jean 6 furent utilisés de part et d’autre par Zwingli et Luther lors de leur débat sur le sujet du repas du Seigneur.

En somme, le pain et le fruit de la vigne sont bel et bien des symboles externes, mais ils sont aussi plus que ça. Ce sacrement, ou ce mystère, pointe vers une réalité spirituelle qui va au-delà de la pure commémoration et qui, par la grâce de Dieu, nous communique une plus grande assurance en Christ, nous communique les promesses que Dieu y a jointes par sa Parole et par lequel le Saint-Esprit fortifie la foi des croyants.

Dieu joint sa Parole à des signes visibles

Il y a plusieurs exemples dans les Saintes Écritures où Dieu joint sa Parole à des signes visibles pour communiquer sa grâce et l’efficacité de ses promesses aux croyants. L’un des meilleurs exemples est le serpent d’airain que Moise avait dû fabriquer pour sauver le peuple Israelite qui périssait au désert après avoir été mordu par des serpents brûlants. L’histoire nous est racontée dans Nombres au chapitre 21.

Nombres 21.6-9 « Et l'Éternel envoya parmi le peuple des serpents brûlants, qui mordirent le peuple, en sorte qu'un grand nombre d'Israélites moururent. Alors le peuple vint vers Moïse, et ils dirent: Nous avons péché, car nous avons parlé contre l'Éternel et contre toi. Prie l'Éternel, pour qu'il éloigne de nous les serpents. Et Moïse pria pour le peuple. Et l'Éternel dit à Moïse: Fais-toi un serpent brûlant, et mets-le sur une perche; et il arrivera que quiconque sera mordu et le regardera, sera guéri. Moïse fit donc un serpent d'airain, et il le mit sur une perche; et il arriva que quand le serpent avait mordu un homme, il regardait le serpent d'airain, et il était guéri. »

On voit dans cette histoire le peuple qui confesse son péché et demande à Moïse d’intercéder auprès de Dieu afin qu’il éloigne les serpents. La réponse de Dieu suite à la prière de Moïse fut de fabriquer un serpent brûlant, de le mettre sur une perche afin que le peuple puisse le regarder et être guéri. Est-ce qu’il y avait quelque chose de magique ce serpent pour guérir ainsi le peuple? Pourtant, ce n’était qu’un serpent d’airain sur un bâton. Mais le résultat fut bel et bien tel que Dieu l’avait annoncé : lorsqu’un homme avait été mordu par un serpent, il n’avait qu’à regarder le serpent d’airain construit par Moïse et il était véritablement guéri! En réalité, la construction de Moïse n’avait rien de magique en soi, mais elle était basée sur les instructions de Dieu. De plus, l’Éternel y avait joint sa Parole promettant la guérison à ceux qui regarderaient le serpent sur la perche pour tous ceux qui avaient été mordus par l’un des serpents brûlants qu’il avait lui-même envoyés. En réalité, ce serpent d’airain sur une perche pouvait véritablement guérir! Si une personne était mordue par un serpent brûlant, elle devait absolument regarder le serpent d’airain pour guérir. Mais cette construction ne pouvait pas guérir toutes les maladies de tous les hommes à toutes les époques. Dieu avait joint sa Parole spécifiquement pour cette occasion spéciale et promettait la guérison à ceux qui avaient été mordus. D’ailleurs, ce même serpent d’airain, que Dieu avait pourtant ordonné à Moïse de construire pour guérir le peuple dans Nombres 21, devint une source de problème pour Israël plus tard dans l’histoire. L’objet en question devint une idole pour le peuple juif et le roi Ézéchias, qui fit ce qui est droit aux yeux de l’Éternel, brisa le serpent d’airain.

2 Rois 18.4 « Il ôta les hauts lieux; il mit en pièces les statues; il abattit les images d'Ashéra, et brisa le serpent d'airain que Moïse avait fait, parce que jusqu'à ce jour-là les enfants d'Israël lui faisaient des encensements; et on le nommait Néhushtan. »

Le serpent construit par Moïse pouvait bel et bien sauver de la mort, mais pendant un temps spécifique, dans des conditions spécifiques tel que décrétés par Dieu. L’objet par lui-même n’avait aucun pouvoir et fut même une occasion de chute pour les Israélites à un certain moment. Ézéchias, roi de Juda, avait bien fait de détruire l’objet qui n’avait plus aucune valeur. De la même manière, le pain et le fruit de la vigne ne sont qu’une simple nourriture ou un simple breuvage , mais lorsque Dieu y joint sa Parole, ils ont le pouvoir de communiquer la vie éternelle lorsqu’ils sont reçus avec foi et je dirais même qu’ils ont le pouvoir de communiquer la condamnation lorsqu’ils sont mangés et bus indignement (1 Corinthiens 11.29). La Parole de Dieu nous révèle que nous sommes membres du corps de Jésus, étant de sa chair et de ses os (Éphésiens 5.30), que Christ est le pain de vie qui est descendu du ciel pour nourrir nos âmes et nous promettre la vie éternelle (Jean 6:51) et que nous sommes un avec lui comme il est un avec son Père (Jean 17:21).

Au moment de la Sainte Cène, Jésus prend le pain et déclare que ceci est son corps. Et prenant ensuite la coupe, Jésus déclare que cette coupe est la nouvelle alliance en son sang. C’est pourquoi l’apôtre Paul peut affirmer dans 1 Corinthiens 10.16 que la coupe de bénédiction est la communion au sang de Christ et que le pain que nous rompons est la communion au corps de Christ. Tel que la confession de foi baptiste de Londres de 1689 l’affirme au chapitre 30, la Sainte Cène est le sceau et le gage de la communion des croyants avec Jésus et les uns avec les autres.

Mais puisque Jésus déclare que le pain est son corps, devons-nous nous imaginer en train de déchiqueter la chair de Jésus entre nos dents lorsque nous mangeons le pain pendant l’eucharistie? Nullement! En réalité, nous n’avons rien à faire du tout mis à part de recevoir les éléments avec foi selon ce que Dieu nous a déclaré dans sa Parole et c’est l’Esprit Saint qui fait toute l’œuvre en nous. Ce que nous mangeons est bel et bien du pain, mais ce que notre âme en reçoit est bel et bien le corps de Christ. Il ne s’agit pas d’une présence spirituelle symbolique, mais d’une présence spirituelle réelle.

Voici un extrait de la confession baptiste de Londres de 1689 :

Ceux qui reçoivent dignement cette, quand ils prennent les éléments visibles, reçoivent alors

aussi intérieurement par la foi, vraiment et réellement, non de façon charnelle et corporelle, mais spirituellement, le Christ crucifié ; ils s’en nourrissent et reçoivent tous les bienfaits de sa mort ; le corps et le sang de Christ sont alors, non pas corporellement ou charnellement, mais spirituellement, présents pour la foi des croyants dans cette ordonnance, de même que les éléments eux-mêmes sont présents à leur perception extérieure. (Chapitre 30, point 7)

Conclusion

Le repas du Seigneur est très important et il prend tout son sens lorsqu’il est interprété selon la notion d’un sacrement tel que les théologiens réformés l’affirment et je dirais par surcroît tel que les Saintes Écritures nous le présentent.

Voici 10 points forts à retenir :

1- Aucun sacrement ne fonctionne ex opere operato tel que l’Église Catholique Romaine l’enseigne. Le sacrement est un moyen de grâce auquel les promesses divines ont été ajoutées et par lequel le Saint-Esprit applique cette grâce à ceux qui reçoivent le dit sacrement par la foi.

2- La doctrine de la transsubstantiation, qui veut que le pain soit complètement changé en sorte qu’il ne demeure plus du pain, mais devienne littéralement le corps de Christ et que la coupe soit complètement changée en sorte qu’elle ne demeure plus du vin, mais devienne le sang de Jésus, est une doctrine à rejeter qui va à l’encontre non seulement de l’Écriture, mais répugne au sens commun et à la raison.

3- Bien que le sacrement soit un moyen de grâce, il n’est pas indispensable au salut. La Parole de Dieu demeure le moyen de grâce primaire employé par Dieu pour sauver ses élus.

4- Les sacrements ne peuvent pas produire la foi.

5- Les sacrements doivent être administrés seulement aux membres de l’église visible, c'est-à-dire ceux qui professent de croire en Christ.

6- Les sacrements bénéficient seulement à ceux qui ont la foi et sont appliqués uniquement par le Saint-Esprit dans le cœur du croyant.

7- L’ordonnance (selon le mémorialisme) est centrée sur l’homme et sur l’œuvre que Dieu a faite dans le passé et ne transmet aucune grâce divine. Dieu est le spectateur et l’homme utilise les symboles pour offrir un témoignage et se remémorer l’œuvre de Dieu.

8- Le sacrement est centré sur Dieu et appliqué par Dieu.

9- Le repas du Seigneur est aussi une ordonnance de Jésus et une commémoration en plus d’être une véritable source de bénédictions nourrissant l’âme du croyant par la présence spirituelle et réelle du corps et du sang de Christ.

10- Lors de la Sainte Cène, Dieu utilise des éléments tangibles, tels que le pain et le fruit de la vigne, pour nous communiquer, à nous qui sommes infirmes dans la chair, une réalité spirituelle : soit la communion au corps et au sang de Jésus-Christ.

Pour terminer, j’aimerais rappeler une fois de plus la grâce que Dieu nous transmet à travers le repas du Seigneur. Nous sommes pécheurs, ignorants et lents à comprendre les vérités spirituelles, mais Dieu vient à notre secours en nous offrant, à travers le sacrement de l’eucharistie, des signes sensibles et efficaces qui stimulent nos âmes et confirment notre foi. Les sacrements ne sont pas seulement des signes simplement parce qu’ils stimulent nos sens, mais bel et bien parce qu’ils sont des symboles qui pointent vers quelque chose qui va au-delà d’eux-mêmes. En utilisant des choses matérielles de ce monde comme la nourriture et le breuvage, Dieu désire qu’on porte notre attention en direction de ce que le signe pointe; c'est-à-dire, qu’il veut qu’on regarde par la foi vers la personne de Jésus-Christ.

Je suis bien conscient que cet article pourrait en scandaliser quelques-uns. Rien de nouveau ici puisque les disciples de Jésus furent également scandalisés au point de le quitter dans Jean au chapitre 6 ne pouvant plus supporter l’enseignement du Christ de manger sa chair et de boire son sang. Si vous désirez poursuivre votre lecture ou vos recherches sur le sujet, je vous suggère un court article écrit par Pascal Denault intitulé « Mangeons le corps et buvons le sang de Christ » que vous pouvez aller lire à l’adresse suivante :

Voici un extrait d’une homélie de Jean Chrysostome sur l’évangile selon Matthieu en l’an 370 :

"Lorsque la Parole dit, 'Ceci est mon corps,' soyez convaincu de ça et croyez-le, et regardez-y avec les yeux de l’esprit. Car Christ ne nous a pas donné quelque chose de tangible, mais même dans Ses choses tangibles tout est intellectuel. C’est la même chose avec le baptême: le cadeau est conféré à travers une chose tangible, l’eau, mais ce qui est accompli est intellectuellement perçu : la naissance et le renouveau. Si vous étiez incorporel, Il vous aurait donné à nu ses cadeaux incorporels; mais puisque l’esprit est entremêlé avec le corps, Il nous donne à travers des choses tangibles ce qui est perçu intellectuellement. Combien d’entre vous disent maintenant, 'Je souhaiterais pouvoir contempler Sa silhouette, Son apparence, Ses vêtements, Ses sandales. 'Vous n’avez qu’à regarder! Vous le voyez! Vous le touchez! Vous le mangez!"

Jean 6.55 « Car ma chair est véritablement une nourriture, et mon sang est véritablement un breuvage. »

Merci d’avoir lu jusqu’au bout. J’espère que cet article vous aura été utile et édifiant. Je devrais publier d’ici peu de temps deux autres parties sur le sujet du repas du Seigneur. Si vous désirez approfondir sur la signification du repas du Seigneur ou encore connaître ma position quant aux éléments (doit-on prendre du pain sans levain ou non? Du vin ou du jus de raisin?), soyez patient. Je traiterai de ces questions lors de mes prochains écrits sur le sujet de la Sainte Cène.

À bientôt!

Votre serviteur en Jésus-Christ,

Dominique Rousseau

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